EDITO DE PHILIPPE DESTARKEET, SECRETAIRE GENERAL
« Délais d’attente » au permis… Stop à la propagande mensongère !
Des patrons « d’auto-écoles en ligne » ont publié une tribune collective dans le journal Les échos du 29 novembre 2024 intitulée « il y a urgence à réduire les délais pour passer le permis de conduire ».
Ainsi, les dirigeants de ces entreprises profitent du contexte budgétaire de la France, jugé alarmant par les ultralibéraux, pour mettre en avant des revendications qui leur permettraient d’augmenter leur chiffre d’affaires.
Rien de surprenant à cela : la raison d’être de leur société est précisément de faire des bénéfices.
Le SNICA-FO dénonce toutefois vigoureusement la longue liste de contre-vérités déployées dans cette tribune par MM Storelli, directeur général de Stych, Gaignault, co fondateur de Ornikar, Rudolf, PDG de En voiture Simone et Durand, directeur général de lepermislibre.
Pour commencer, contrairement à ce qui est répété à l’envi, il y a dans notre pays, largement plus de places d’examens que de candidats. Quoi qu’en disent les intéressés dans leur tribune, il y a peu ou prou 1,5 million de places pour moins d’1 million de demandeurs chaque année. Les chiffres sont là, vérifiables et indiscutables.
Partant de là, chacun comprendra aisément qu’on n’augmentera pas le nombre de lauréats au permis de conduire en proposant davantage de places, puisque l’offre suffit par rapport à la demande. Pire : sur un plan général, chaque place supplémentaire entraîne une baisse de la réussite à l’examen. Tout cela est mathématique et les directeurs des auto-écoles en ligne ne peuvent l’ignorer de bonne foi.
Même si des difficultés peuvent exister dans certains départements, le SNICA-FO constate que ce chiffon rouge du « manque de places », et des « délais d’attente » qui en découleraient, ne cesse d’être agité frénétiquement par les tenants du chiffre d’affaires à tout prix.
Et pour cause : cette agitation permanente autour des « délais » est une diversion, d’autant plus forcenée et acharnée qu’elle essaie de cacher une problématique inavouable pour les « marchands de places d’examen » : pourquoi près d’un candidat sur deux échoue au permis de conduire ?
Autrement écrit, pourquoi 700.000 places d’examen sont offertes chaque année, aux frais du contribuable, à des candidats qui vont la payer à l’auto-école et qui ne seront pas reçus pour la simple et bonne raison que leur formation n’est pas encore aboutie ?
Le problème n’est pas l’offre en places d’examens, le problème est l’impréparation des candidats.
Pour le SNICA-FO, ce manque global de préparation a plusieurs causes :
- les moyens pécuniaires des jeunes, qui veulent « tenter leur chance » en espérant ne plus avoir à payer de leçons de conduite, alors que leurs compétences ne sont pas encore assez solides ;
- l’absence de contrôles des pratiques pédagogiques des auto-écoles ;
- une offre qui permet de donner une place d’examen à des candidats qui ne sont pas encore en capacité de conduire un véhicule en toute sécurité ;
- le manque d’attractivité de la profession d’enseignant de la conduite, qui a mené à une pénurie de formateurs, qui ralentit le fonctionnement des auto-écoles et représente un frein important à l’apprentissage et donc à la réussite des candidats.
Dans tous les cas, le SNICA-FO prend le contrepied de cette logique de l’échec pour proposer un discours positif à notre jeunesse. Car, ce dont les jeunes ont besoin, ce n’est pas de passer X fois le permis, même dans des délais courts, mais de l’obtenir rapidement, idéalement à la première tentative.
Notre contribution de février 2024 « réduire le coût de l’accès au permis de conduire » pose cette question et propose des solutions concrètes.
La tribune publiée par les dirigeants des auto-écoles en ligne propose des mauvaises solutions à un problème qui n’est pas réel. Un sondage Harris Interactive de mars 2022 auprès des jeunes confirme d’ailleurs sans ambiguïté que leur première difficulté pour l’accès au permis et à la mobilité est le financement de la formation.
Malgré cette information, et après le naufrage de l’épreuve théorique et ses fraudes et irrégularités de toutes sortes, le SNICA-FO s’étonne que l’on puisse encore trouver des apôtres de la privatisation dans des domaines aussi sensibles que la sécurité routière et la mobilité, qui peut ouvrir des portes à l’emploi.
Les conséquences délétères de la privatisation du code de la route sur ces enjeux majeurs pour les jeunes de notre pays, interdisent en effet de prôner la privatisation de l’examen pratique. Et il convient même d’aller plus loin : il faut éradiquer la gangrène des fraudes du secteur privé.
Une solution d’intérêt général, efficace, moins couteuse pour les finances publiques que la lutte contre les fraudes massives, existe : la renationalisation des épreuves du code de la route.
En effet, chaque semaine, chaque mois où les pouvoirs publics ne prennent pas cette mesure, ce sont encore des jeunes spoliés, encore des jeunes égarés qui rejoignent les rangs des fraudeurs, mais aussi n’en doutons pas hélas, encore des jeunes victimes supplémentaires sur la route (et des moins jeunes aussi, au passage) !
Et ce ne sont là que quelques exemples de “dommages collatéraux”.
Le SNICA-FO l’affirme : la privatisation du code de la route, ça coûte un pognon de dingue !
Malgré cette évidence, la tribune du 29 novembre persiste et signe sur les prétendus mérites de la privatisation : outre la démonstration de l’appétit insatiable du secteur marchand, on comprend notamment que leur situation financière n’est pas reluisante et que cette tribune n’est qu’un moyen de plus pour exercer un lobbying désespéré.
La filière examen du permis livrée au secteur privé ce serait l’explosion des coûts individuels et collectifs, des fraudes, la prospérité des "mafias", le règne de l’insécurité routière.
La filière examen du permis laissée au secteur public, telle que le SNICA-FO la revendique, c’est l’égalité de traitement, l’apaisement, la gratuité pour l’usager, les faibles coûts collectifs, et une plus grande sécurité sur nos routes.
Le permis de conduire et la sécurité routière sont des missions régaliennes. Certains de nos Présidents et Gouvernements l’avaient compris. Gageons que ce sera de nouveau le cas très rapidement, car nous prenons du retard sur de nombreux pays, au détriment de nos jeunes notamment.
En effet, l’Ontario, ou, en Europe, la Wallonie ont compris que la sécurité routière ne peut pas relever du secteur marchand, et reviennent sur certains de leurs choix politiques (ici un article titré "un projet de loi pour mettre fin à la privatisation des examens de conduite en Ontario).
Le SNICA-FO exhorte les dirigeants de notre pays à réinternaliser l’examen théorique !
Le SNICA-FO rejette fermement et combattra toute piste de réflexion et toute décision visant à privatiser une quelconque épreuve pratique !