Paris, le 06 février 2018
Monsieur Edouard PHILIPPE
Premier ministre
Référence : SG/01/18
Objet : Lutte contre l’insécurité routière – rôle des IPCSR et DPCSR
Monsieur le Premier ministre,
Avec une évidence manifeste, la réunion du CISR du 09 janvier dernier illustre la volonté du Gouvernement de sauver plus de vies sur nos routes.
Mon organisation syndicale, majoritaire au sein de la filière du permis de conduire et de la sécurité routière, salue la poursuite des efforts en faveur de cette politique d'intérêt général, devenue prioritaire depuis 2002.
Parmi les 18 mesures du dernier comité, la baisse de la vitesse maximale sur les routes à double sens sans séparateur central, une plus grande sévérité envers les conduites addictives et l’usage des téléphones mobiles au volant ont plus particulièrement retenu l’attention de l’opinion publique. De son côté, la « mesure 80 km/h » a été accueillie avec beaucoup de réserves par les sénateurs et les a incités à entamer une série d’auditions.
Il apparaît que les gouvernements successifs ont concentré leur action en faveur de la sécurité routière sur le contrôle-sanction. D’une façon générale, l’expérience démontre que les effets du durcissement de la réglementation s’estompent toutefois après quelques mois. Il n’est d’ailleurs sûrement pas fortuit que le nombre de morts sur la route stagne depuis quelques années malgré la fréquence des contrôles, voire la sévérité accrue des sanctions. Bien qu’indispensable, la répression ne saurait constituer l’élément quasi exclusif de la politique publique de sécurité routière. La formation et l’examen du permis de conduire, en tant que maillons essentiels du continuum éducatif, constituent également deux des fondements de la lutte contre la sinistralité et la mortalité sur les routes.
Si les pouvoirs publics ambitionnent de modifier durablement le comportement des automobilistes sur les routes, gagner ce combat, aux enjeux humains et financiers colossaux, nécessite d’accroître la mobilisation de tous les acteurs en lien avec le permis en conduire et la sécurité routière, notamment les professionnels. Parmi ces derniers, outre les forces de l’ordre chargées de la lutte contre la délinquance routière et les établissements d’enseignement de la conduite auxquelles l’État a confié la formation, les Inspecteurs et Délégués du Permis de Conduire et de la Sécurité Routière (IPCSR et DPCSR) tiennent un rôle de premier ordre. Or il apparaît que leur action se limite essentiellement, faute de volonté suffisante de l’Administration, à la passation d’examens pratiques. Pourtant, des missions cruciales, prévues par leurs statuts, ne sont pas ou peu mises en œuvre, alors qu’elles sont de nature à rendre les routes plus sûres. Il s’agit plus particulièrement des interventions en milieu scolaire et professionnel, ou des contrôles des établissements d’enseignement de la conduite et des centres de sensibilisation à la sécurité routière. De même, alors que selon les termes des articles L213-4 et R213-4 du Code de la route, ces agents de l’Etat s’assurent du respect des programmes de formation à la conduite, ce pan de leurs attributions a été délaissé cette dernière décennie, pour une labellisation qui ne concernera que les centres de formation volontaires.
Certes, nous pouvons objectivement considérer que l’examen du permis de conduire mené par ces fonctionnaires, étrangers à toute pression d’ordre économique et animés par les seuls intérêts de la sécurité routière, constitue le filtre indispensable pour écarter les candidats insuffisamment préparés. Cette mission essentielle ne doit pourtant pas faire perdre de vue à l’Etat qu’il lui appartient de s’assurer de la régularité des pratiques mises en œuvre dans les établissements et de viser à leur amélioration, tel que le dispose le Code de la route.
Ainsi, nous considérons que la formation à la catégorie B devrait faire l’objet d’une attention toute particulière des services de l’État. Les bonnes pratiques en matière d’enseignement garantissent en effet aux usagers l’obtention du permis de conduire, non seulement dans les délais les plus courts et à moindre coût, mais également avec un niveau de prestation élevé. L’intervention des IPCSR et DPCSR dans les auto-écoles permettrait notamment d’atteindre cet objectif. Il reste cependant impératif que l’impulsion nécessaire soit donnée au plus haut niveau de l’État pour que cette dynamique soit mise en œuvre. Votre intérêt pour cette grande cause nationale qu’est la lutte contre l’insécurité routière est susceptible d’accélérer ce processus.
Une telle approche ne peut qu’emporter l’adhésion des automobilistes, souvent désabusés face à l’axe unique de la répression, alors que nombre de nos jeunes subissent les pratiques imparfaites, voire douteuses de certains établissements d’enseignement.
Persuadée de votre juste perception des enjeux soulevés par l’éducation routière et le permis de conduire, je vous serais très reconnaissante de bien vouloir recevoir une délégation de mon organisation syndicale, afin que nous abordions toutes les pistes profitables à la sécurité routière et que vous nous fassiez part du rôle précis que vous entendez donner aux IPCSR et DPCSR au sein du dispositif.
Misant sur votre implication forte sur ce sujet majeur, je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, à l’assurance de ma haute considération.
Pascale MASET
Secrétaire générale
Copie : M. Benoît RIBADEAU-DUMAS, Directeur de cabinet du Premier ministre
M. Gérard COLLOMB, Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur
M. Nicolas LERNER, Directeur de cabinet adjoint du Ministre de l’intérieur
Mme Juliette PART, Conseillère chargée des affaires territoriales auprès du Ministre de l’intérieur
M. Emmanuel BARBE, Magistrat, DISR
M. Alexandre ROCHATTE, Contrôleur général des armées, Adjoint au DISR