Le Havre, Nantes, Toulouse, Grenoble, Montpellier, Bordeaux, Bayonne, Pau ou Paris, les cortèges ont essaimé dans toute la France. Deux jours après l’annonce par le gouvernement du recours au 49-3, le climat était plutôt tendu.
« Quand j’ai entendu l’annonce du gouvernement, je me suis mise à pleurer, raconte Raafet, 42 ans. Ça fait deux jours que je pleure. Donc je suis venue ici pour ne pas pleurer toute seule et pour être un peu plus constructive. » Si le sentiment de trahison persiste, il n’est néanmoins pas question pour cette technicienne de 42 ans de jeter l’éponge. « Quand on dit non, c’est non, ajoute-t-elle. J’ai voté pour les socialistes en 2012. Parce que je voulais que Nicolas Sarkozy s’en aille. Finalement j’ai l’impression que c’est pire maintenant. »
Elle énumère : la loi Macron, le débat « inutile » sur la déchéance de la nationalité, puis la loi Travail. Syndicaliste à FO, elle a l’habitude de voir passer des accords d’entreprise. « A FO, on a la réputation de ne jamais vouloir signer alors qu’on ne veut pas signer pour n’importe quoi. S’il fallait signer pour signer, je ferais des tags au lieu d’être syndicaliste. »
Rien n’est encore plié
Monique, elle, est optimiste et pense que le recours au 49-3 provoquera sans doute une onde de choc dans l’opinion publique et parmi les salariés : « J’espère que la semaine prochaine, des assemblées générales se tiendront dans les entreprises. »
Âgée de 56 ans, Monique travaille dans le secteur des télécoms. Si son entreprise est prospère, elle ne remplace pas pour autant les salariés qui partent à la retraite. Et ce sont les gens qui restent qui récupèrent le travail de ceux qui partent. « Ce sont les petites entreprises qui vont prendre le plus avec la loi Travail. Parce que nous, nous avons encore des syndicats pour défendre les salariés. »
Jean-Luc, 55 ans, n’a pas été surpris par l’usage du 49-3 « On a déjà eu l’expérience avec le CPE et je crois que les Français vont commencer à comprendre le contenu de cette loi. » Pour ce salarié dans la grande distribution rien n’est encore plié : « Je pense qu’on est au début de cette affaire et qu’il faut amplifier le rapport de force. »
Cac 40 ou progrès social ?
Plus d’inégalités et de précarité pour les salariés, dumping social entre les entreprises, Jean-Claude Mailly, en tête de cortège, ne mâche pas ses mots. « M. Valls et Mme El Khomri devraient peut-être comprendre que seul le Medef est pour la suppression de la branche. Est-ce que c’est une loi Cac 40 ou une loi, comme ils le prétendent, de progrès social ? Si c’était une loi de progrès social, je pense qu’ils auraient facilement trouvé une majorité à l’Assemblée nationale. »
Pour le secrétaire général de FO, la mobilisation est multiforme : par les manifestations, par les mouvements de grève qui auront lieu la semaine prochaine, par les pétitions. Une manifestation nationale va se tenir à Paris prochainement.
« Ce n’est pas fini », ajoute-t-il. Le texte doit passer devant les sénateurs pour revenir à l’Assemblée en 2e lecture. « Ce n’est pas parce qu’on sort du tiroir un 49-3 que tout est réglé. Loin s’en faut. Le gouvernement fait fausse route, à nous de le remettre dans le droit chemin ».
Nadia Djabali