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Un McDo sur la lune, c'est pour bientôt ?
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Un McDo sur la lune, c'est pour bientôt ?

 
Posté le 17/09/2014

La privatisation des planètes est en marche

Par   Journaliste, écrivain
LIEN SUR L'ARTICLE LE.PLUS NOUVEL OBS

En regardant la pleine lune par une belle nuit d'été, je ne m'attends pas à être agressé pour une pub pour McDo ou pour Amazon. Pourtant, c'est peut-être ce que verront les générations à venir. Exagération ? Politique-fiction ? Peut-être... Mais la privatisation des autres planètes, elle, est bel et bien en marche. 

Lorsque la course à l'espace n'était que l'apanage des deux superpuissances de la guerre froide, les USA et l'Union Soviétique, le problème de la privatisation ne se posait pas, et il était aisé d'établir des grands principes établissant l'espace (et les corps célestes qui s'y trouvent) comme "patrimoine commun de l'humanité". 

Mais aujourd'hui, la situation est bien différente. De nombreuses nations sont désormais des "nations spatiales", à l'image par exemple de l'Inde qui va mettre une sonde en orbite martienne dans les jours qui viennent. Aux États-Unis, la baisse des budgets de la NASA laisse de plus en plus la place aux sociétés privées du secteur spatial, comme Virgin ou SpaceX. L'agence spatiale américaine a d'ailleurs lancé récemment plusieurs appels d'offres, notamment pour des missions lunaires

L'étape suivante va être présentée bientôt devant le Congrès américain, peut-être même avant la fin de la session actuelle (qui se termine le 2 octobre) ou alors après les élections du 4 novembre. Le rapport de forces politiques n'y changera rien, il s'agit en effet d'une proposition portée par un représentant de chaque camp, démocrate et républicain, et nommée fort à propos "ASTEROIDS Act" (pour American space technology for exploring resources opportunities in deep space, les Américains adorent les acronymes). 

Une proposition qui, si elle est adoptée, autorisera l'exploitation commerciale des ressources spatiales. 

L'Asteroids Act : vers la commercialisation de l'espace 

Le préambule de cette proposition est très clair : il est destiné à "promouvoir le développement d'une industrie commerciale des ressources des astéroïdes". 

Il doit "décourager les obstacles gouvernementaux au développement d'industries économiquement viables, sûres et stables pour l'exploration et l'utilisation des ressources des astéroïdes dans l'espace dans des voies consistantes avec les obligations internationales existantes des USA". 

Il veut "promouvoir le droit d'entités commerciales des États-Unis d'explorer et d'utiliser les ressources des astéroïdes", et ce "libres d'interférences nuisibles". 

"Les ressources obtenues dans l'espace à partir d'un astéroïdes seront la propriété de l'entité qui les aura obtenues", et qui en obtiendra les droits de propriété. 

Que disent les traités internationaux ? 

Le "traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes" (Traité de l'espace, 1967), affirme notamment que "l'exploration et l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, doivent se faire pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique ; elles sont l'apanage de l'humanité tout entière". 

Il y est également écrit que "l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l'objet d'appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d'utilisation ou d'occupation, ni par aucun autre moyen". 

"L'accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes", datant de 1979, précise que "l'exploration et l'utilisation de la Lune sont l'apanage de l'humanité tout entière et se font pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays, quel que soit leur degré de développement économique ou scientifique". 

Il affirme également que "ni la surface ni le sous-sol de la Lune, ni une partie quelconque de celle-ci ou les ressources naturelles qui s'y trouvent, ne peuvent devenir la propriété d'États, d'organisations internationales intergouvernementales ou non gouvernementales, d'organisations nationales ou d'entités gouvernementales, ou de personnes physiques". Ce traité a été approuvé par une vingtaine de pays... mais pas par les États-Unis ni la Russie.

 La propriété du sol et du sous-sol : pas pour l'instant 

Les traités internationaux semblent donc prévenir toute tentative d'appropriation de terres sur d'autres planètes (ou sur les astéroïdes). Et les tentatives faites par des sociétés privées de réclamer la propriété de terrains sur un corps céleste n'ont pas été légalement approuvées. L'exemple le plus parlant est celui de Gregory Nimitz, qui a été débouté au terme d'une bataille juridique pour la propriété de l'astéroïde Eros. 

Mais si la propriété du sol (et du sous-sol) semble pour l'instant impossible à établir légalement, il n'en est pas de même pour les ressources. 

En théorie, rien n'empêche une nation d'aller miner un morceau de lune et d'en ramener du minerai. Si une nation peut le faire, elle peut aussi déléguer ce droit à des entreprises qui relèvent de sa juridiction, et sous sa responsabilité propre... 

Les enjeux économiques, politiques et... écologiques 

On peut se demander pourquoi nous irions chercher des ressources ailleurs que sur Terre. Il se trouve que les astéroïdes, notamment, contiennent des métaux rares, de plus en plus utilisés par l'industrie. On peut aussi trouver des corps célestes pleins d'eau, une richesse énorme dans l'espace (pour alimenter par exemple les futures colonies lunaires, martiennes, ou même les stations spatiales sans les coûts d'envoi à partir de la Terre). 

Mais l'exploitation de ressources, même sans propriété du sol, va poser des problèmes. 

Une entreprise qui s'établirait sur un astéroïde (ou sur tout autre corps céleste) aurait une propriété de fait de l'endroit où se trouvent ses installations. Comment cela se passera-t-il ? Y aura-t-il des contrôles des dommages causés à l'environnement ? Des conditions de travail des mineurs de l'espace ? Des potentiels éléments dangereux ramenés sur Terre ? 

On peut aussi s'interroger sur l'actualisation, probablement nécessaire, d'un traité datant de la Guerre froide. Mais en ce cas, doit-on vraiment légaliser la propriété privée dans l'espace ? À l'heure où des ONG comme Mars One envisagent, à l'instar de certains états, d'établir une colonie sur Mars, qui sera propriétaire des lieux ? Les colons ? Ceux qui les envoient ? 

L'appropriation de tout ou partie d'une planète par un État poserait des problèmes diplomatiques et géopolitiques sur Terre. Alors, peut-on accorder aux sociétés anonymes ce que l'on refuse pour l'instant aux États ?

Prochaine étape, un McDo sur Mars ?  

L'Asteroids Act semble pour l'instant pétri de bon sens et de bons sentiments. Après tout, il semble normal que, si une société privée investit pour aller chercher des minerais rares sur un astéroïde, elle puisse avoir en retour la propriété de ce qu'elle ramène. Mais jusqu'où ira-t-on alors ? Le fameux "Enterprise" du capitaine Kirk deviendra-t-il le "Libre Entreprise" ? Va-t-on livrer l'espace au marché et à la concurrence ? Si c'est le cas, pourquoi pas envisager un McDonald's sur Mars, ou de gigantesques affiches publicitaires sur la Lune ? 

Dans une période où les gouvernements sont en difficulté, où les budgets sont de plus en plus restreints et où l'on délègue de plus en plus au secteur privé, faut-il reproduire ce modèle dans l'espace ?

Bien sûr, le problème ne se pose pas encore. Il s'écoulera bien dix à vingt ans avant qu'une entreprise privée n'aille miner un astéroïde. Mais en attendant, les législations évoluent, et il ne faudrait pas perdre de vue l'objectif généreux affiché dans le Traité de l'Espace : le bénéfice de l'humanité tout entière. Et que la seconde phase de la conquête spatiale se fasse, elle aussi, "pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique".

 

 

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