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Réforme retraites - LES CONTRE-VÉRITÉS / LES RAISONS DE DIRE NON A UN PROJET INJUSTE
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Réforme retraites - LES CONTRE-VÉRITÉS / LES RAISONS DE DIRE NON A UN PROJET INJUSTE

 
Posté le 21/02/2023

 

RÉFORME DES RETRAITES:

LES CONTRE-VÉRITÉS DU GOUVERNEMENT OU LES RAISONS DE DIRE NON A UN PROJET INJUSTE

2023

(Analyse réalisée par FO-Cadres ; Fichier PDF en PJ)

Mardi 10 janvier 2023, Élisabeth Borne a officiellement présenté le projet de réforme des retraites. Parmi les mesures annoncées figurent le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, accompagné d’une accélération de l’allongement de la durée de cotisation à 172 trimestres en 2027, au lieu de 2035 comme initialement prévu par la loi Touraine.

La réforme pénalisera dans un premier temps les salariés qui ont commencé à travailler tôt. Ces derniers devront poursuivre leur activité malgré une durée de cotisation suffisante, alors même qu’un salarié sur deux n’est déjà plus en emploi au moment de liquider sa retraite. Elle pénalisera aussi les femmes, dont les carrières sont le plus souvent hachées. Les jeunes verront quant à eux leur entrée sur le marché du travail retardée. La réforme passe également sous silence la détérioration de l’état de santé des salariés que provoque le report systématique de l'âge de départ à laretraite.

La réforme n'épargnera pas non plus les cadres, dont 42% de ceux inscrits à Pôle Emploi le sont depuis plus d’un an. Si le report de l'âge semble moins pénalisant pour les cadres en raison de leur entrée plus tardive sur le marché du travail, 61% d’entre eux se disent toutefois inquiets ou très inquiets de ce recul et 55% d’entre eux se déclarent pas vraiment ou pas du tout sereins quant à leur fin de carrière selon une étude de l’Apec. Les différentes réformes des retraites menées depuis une vingtaine d’année ont eu pour effet de réduire très fortement leur taux de remplacement, c’est-à-dire le pourcentage du revenu d’activité qu’ils conservent une fois à la retraite. Ce taux est aujourd’hui proche de 54% en moyenne pour l’ensemble des cadres et d’environ 47% pour des cadres percevant 120 k€ de revenus annuels. L’accélération de l’allongement de la cotisation accentuera cette baisse notamment pour les générations nées en 1965 et 1966, qui devront cotiser trois trimestres de plus pour espérer avoir une carrière complète.

À l’appel de l’ensemble des organisations syndicales, des millions de travailleurs, d’hommes et de femmes se sont mobilisés les 19 et 31 janvier, le 11 et le 16 février, partout en France, pour dire NON à une réforme des retraites injuste. Malgré cette opposition le président Macron et le gouvernement Borne restent sourds.

Comment expliquer cette surdité ? Comment expliquer le dogmatisme qui entoure le choix politique d’une réforme que plus de 7 français sur 10 rejettent, tant les mesures d’âge qui la caractérisent sont tout aussi injustes qu’inefficaces ?

Comment ne pas s’étonner de la brutalité avec laquelle l’exécutif entend l’imposer alors même que l’urgence ne la commande pas ? Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), le système des retraites n'est pas en faillite et ses dépenses sont maitrisées, contrairement aux affirmations répétées du gouvernement. Et qui peut croire un seul instant à ce caractère d'urgence alors même que de nombreux ménages souffrent de la hausse continue des prix, que de nombreuses entreprises sont au bord du gouffre face à l’explosion des tarifs de l’énergie et que l’enjeu de la réindustrialisation reste plus que jamais un défi national, notamment face aux mesures protectionnistes Outre-Atlantique?

L’urgence de la réforme n'est pas justifiée ; sauf par des raisons externes au système. La réforme ne vise nullement à préserver le régime des retraites de la faillite comme le prétend le gouvernement. La seule raison est que le gouvernement s’est fixé comme finalité le retour à des comptes publics sous le seuil de 3% à l’horizon 2027, conformément aux exigences de Bruxelles. C’est uniquement dans ce cadre qu’il convient de considérer la finalité de cette réforme : servir l’objectif immédiat d’une réduction des dépenses publiques, dont celles consacrées au paiement des retraites. En d’autres termes, faire payer aux salariés la facture du « quoi qu’il en coûte » en programmant la baisse future de leur pension de retraite.

" Il y a urgence à réformer le système "

FAUX

Selon le dernier rapport du COR (septembre 2022) « les résultats [...] ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Le rapport précise que le système de  retraites  est   excédentaire   de   plus   de  3 milliards d’euros en 2022 et qu'un déficit de l’ordre de 11 milliards d’euros est à prévoir en 2027, soit un peu plus de 3% des dépenses de retraites en 2021 et 0,48% du PIB. Ce déficit se dégraderait assez sensiblement à -0,8 point de PIB en 2032 avec 1% de croissance économique et un taux de chômage de 7%. Malgré tout, le déficit se résorberait d’ici 2060 avec une hypothèse de croissance de 1,6% et un taux de chômage de7%.

En  outre,  de  2032  jusqu’à  2070,  malgré  le vieillissement progressif de la population française, la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale resterait stable ou en diminution : de 13,8% en 2021 à 12,1%,12,8%,

13,7% ou 14,7% en 2070, selon l’hypothèse de croissance annuelle retenue (respectivement 1,6%, 1,3 %, 1 % et 0,7 %). Si le gouvernement dramatise la situation des retraites, c'est qu'il souhaite réduire immédiatement son déficit à 3% d’ici 2027.

"Il s'agit de sauver le système"

FAUX

Le projet de réforme - comme la réforme passée de l’assurance chômage - vise à réduire brutalement les dépenses de retraites pour combler un déficit. Or ce déficit temporaire et maitrisé n’est pas dû à un dérapage des dépenses, mais à une diminution des recettes. Lors d’une audition devant les parlementaires le 19 janvier 2023, Pierre-Louis Bras, le président du COR, déclarait : « Les dépenses de retraites sont relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme. »

La croissance des dépenses de retraites prévue entre 2022 et 2027 est de 1,8% /an hors inflation. Or, l’objectif du gouvernement est de limiter les dépenses publiques à +0,6% / an hors inflation sur la même période.

Le rythme de croissance des dépenses n’est donc pas compatible avec l'objectif politique du gouvernement par rapport au niveau de déficit souhaitable dans le cadre du pacte de stabilité européen. En se privant de ressources fiscales, notamment par le biais d’importantes baisses d’impôts sur les ménages aisés et sur les entreprises, le gouvernement, piégé par cette situation, cherche très rapidement des baisses de dépenses.

Ce choix est guidé par une seule et véritable motivation : réaliser des économies en ôtant aux salariés deux années de leur vie à la retraite.

"La réforme est juste et équilibrée"

FAUX

Le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, accompagné d’une accélération de l’allongement de la durée de cotisation (43 annuités, soit 172 trimestres en 2027 au lieu de 2035 comme initialement prévu par la loi Touraine), obligeront les salariés à travailler plus longtemps alors même qu’un salarié sur deux n’est déjà plus en emploi au moment de liquider sa retraite.

La réforme impactera dans un premier temps les salariés qui ont commencé à travailler tôt et devront poursuivre leur activité malgré une durée de cotisation suffisante. Les femmes seront quant à elles particulièrement pénalisées notamment en raison de carrières hachées.

Les femmes avec des carrières et des enfants perdront avec la réforme le bénéfice des trimestres obtenus par enfants.

Les carrières longues verront leur départ se décaler de 6 mois à 1,5 ans. Les personnes en situation de pénibilité devront partir à 62 ans au lieu de 60 ans.

Quant aux jeunes, leur entrée sur le marché du travail sera retardée pour la plupart d’entre eux et l’allongement de la durée de cotisation rendra plus difficile l’obtention d’une carrière complète.

Enfin, le projet de réforme est d'autant plus déséquilibré qu'il fait peser la totalité des efforts sur les seuls salariés, en épargnant les entreprises qui ne sont nullement mises à contribution.

"Il faut travailler plus longtemps puisque l’on vit plus longtemps"

FAUX

Si l’espérance de vie augmente ces dernières années, l’espérance de vie en bonne santé, qui évalue le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, stagne. En France, l’espérance de vie en bonne santé atteint ainsi 65,9 ans chez les femmes et 64,4 ans chez les hommes. Par ailleurs, les réformes de 2010 avec le passage de 60 à 62 ans, et 2014 avec l’augmentation de la durée de cotisation de 150 à 172 trimestres, ont déjà imposé d’adapter la durée des carrières à l’augmentation de l’espérance de vie. Elles ont eu pour effet de réduire les gains d’espérance de vie et la durée de la retraite. A partir de 1951, chaque génération aurait une durée de retraite espérée inférieure d’environ quatre mois par rapport à la générationprécédente.

Alors même que les effets de ces réformes n’ont pas encore totalement été épuisés, le report de l’âge à 64 ans aura pour effet d’accentuer la baisse de la durée de vie à la retraite. Un retraité né en 1970 perdra deux années de vie à la retraite par rapport à son homologue né en 1949.

La question n’est donc pas de travailler plus longtemps car on vit plus longtemps, mais de savoir comment assurer un juste partage des richesses issues des gains de productivité pour financer une politique de protection sociale solidaire.

"L'Etat se veut responsable"

FAUX

Les projections du gouvernement prévoient une stabilité des effectifs, notamment pour les fonctions publiques d’Etat et territoriale. Hormis les 15 000 créations de postes liées au Ségur de la santé, l’emploi de fonctionnaires sera gelé. Ce gel signifie l’impossibilité de recruter au-delà du remplacement des départs à la retraite, pendant toute la durée du quinquennat. La politique d’austérité pour les services publics conduit à creuser le déficit des retraites, lequel justifie selon le gouvernement d'être réduit par des mesures injustes et brutales. Le COR lui- même fait mention dans son rapport du « caractère paradoxal de ce résultat, les mesures d’économie sur la masse salariale publique se traduisant par une détérioration du solde du système de retraite».

Mieux encore, si l’Etat, dans ce scénario, maintenait des contributions et subventions d’équilibre en proportion du PIB à leur niveau moyen de 2017 à 2021, l’équilibre serait atteint en 2038 avec une croissance économique de 1,6% ou en 2042 avec un taux de 1,3%.

"La réforme renforce la prise en compte de la pénibilité"

FAUX

Le premier gouvernement Macron avait écarté quatre critères (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) des mesures de pénibilité. Si les trois premiers sont rétablis, l’exposition aux agents chimiques et dangereux n’est pas évoquée.

Par ailleurs, sous couvert d’universaliser les mesures de cette pénibilité en les portant au niveau des branches, c’est bien en réalité d’une individualisation qu’il s’agit. Chaque salarié âgé de 61 ans devra passer une visite médicale et la médecine du travail déterminera qui peut partir plus tôt en retraite et qui ne le pourra pas. Le spectre de la mise en inaptitude sera toujours plusimportant.

" La baisse du ratio cotisant/retraité à 1,7 pour 1 justifie la réforme"

FAUX

Cet argument est l’alibi de toutes les réformes depuis 1993, dont les effets ont déjà compensé la baisse du ratio dedépendance.

De 2032 jusqu’à 2070, malgré le vieillissement progressif de la population française, la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale resterait stable ou en diminution. Cela est du principalement aux effets des précédentes réformes qui, ont fait décrocher les pensions des retraites par rapport aux revenus moyens des actifs. Avec un scénario de 1% de croissance du PIB, ce rapport chuterait de 50% en 2020 à 40% en 2056. Mais cela est sans compter sur le rôle déterminant de la productivité. La croissance cumulée enregistrée depuis les années 60 est telle qu’en 2023, un travailleur français produit près de quatre fois plus de richesses que son homologue d’après-guerre.

Depuis la fin de la crise économique de 2008, la croissance économique moyenne est d’un peu plus de 1,3%. Dans ce scenario, la part des dépenses de retraites dans le PIB avoisinerait les 12,8%, soit 1 point de moins qu’en 2022.

Une fois encore, la vraie question est de savoir comment s'assurer qu'un juste partage des richesses issues des gains de productivité accompagne une politique de protection sociale solidaire.

"Cette réforme améliorera le niveau de vie des retraités"

FAUX

La baisse du niveau de vie des retraités comparé à celui du reste des actifs s’accentuera à l’avenir. En 2040, ce niveau serait de 5 % à 10 % inférieur et de 13 % à 25 % en 2070. L’allongement de la durée de cotisation réduit les pensions relatives futures.

L’accélération de la réforme Touraine, qui à ce stade doit progressivement porter la durée de cotisation à 43 ans à partir de la génération 1973, aggravera encore la situation. Les femmes seront les premières pénalisées. 40% d’entre elles partent en retraite sans avoirvalidé une carrière complète. Le niveau moyen de leur pension est inférieur de 40,5% à celui des hommes.

"Les mesures d’âge inciteront les salariés à travailler plus longtemps"

FAUX

Reculer l’âge légal et allonger la durée de cotisation pour inciter les salariés à travailler plus longtemps n’est pas réaliste. Actuellement, près d’un salarié sur deux (43,9%) âgés de 55 à 64 ans n’est plus en emploi au moment de liquider sa retraite. Plus des deux tiers des 61 ans ne sont plus en emploi.

42% des cadres inscrits à Pôle emploi le sont depuis plus d’un an. En outre, l’augmentation projeté du taux d’activité découlant du report de l’âge de départ à la retraite concernerait les séniors déjà en activité ; en revanche, le report de l’âge aura pour effet de précipiter la fin de contrat des séniors et, plus grave encore, l’accroissement du nombre de séniors qui ne sont ni en emploi, ni en retraite.

La réforme accentuera le nombre de séniors en invalidité et au RSA. En repoussant l'âge légal de départ à la retraite, il existe donc un risque de précariser les seniors qui sont au chômage ou qui n'ont pas assez cotisé. Un rapport de la DRESS ( octobre 2016 - n°6 ) qui étudie les effets du passage de la retraite de 60 à 62 ans par rapport aux minima sociaux, montre qu'après la réforme de 2010, le nombre d'allocataires du RSA de plus de 58 ans a augmenté. De 80 000 en 2010, ils étaient près de 140 000 en 2015.

"La réforme offre une retraite minimale de 1 200 euros pour tous"

FAUX

Contrairement aux propos du gouvernement, il ne s'agit pas de faire bénéficier à tous les retraités actuels et futurs d'une pension minimale de 1 200 euros. L'économiste Michaël Zemmour l'a d'ailleurs parfaitement démontré sur de nombreux médias, relevant au passage le discours fallacieux du gouvernement sur le sujet. En réalité le gouvernement souhaite rehausser le minimum contributif (Mico) d'un montant maximum de 100 euros bruts. Dans le système actuel le Mico permet aux retraités du régime général ayant perçu de très faibles revenus en deçà du SMIC de bénéficier d'une retraite de base minimum de 684,13 € bruts par mois. Pour les retraités ayant cotisé au moins 120 trimestres et atteint l'âge du taux plein, le Mico est majoré pour atteindre 747,57 € brut par mois.

Avec son projet de réforme, le gouvernement souhaite rehausser de 25 euros le Mico de base et de 75 euros le Mico majoré, soit 100 euros bruts de plus. Dans le meilleurs des cas le retraité percevra avec la réforme 847,57€ /mois et, avec la pension complémentaire, atteindra 85% du smic net soit 1 170 euros. À condition toutefois d'avoir une carrière complète cotisée à temps au niveau du Smic. Dans le cas le plus défavorable, le retraité percevra le Mico de base augmenté de 25 euros, soit 709,13€. Avec une retraite complémentaire plus faible, le montant de la pension globale restera très loin de la cible des 1 200euros.

Au total, 1,8 million de retraités actuels bénéficieraient de cette mesure, puis entre 180000 et 200000 futurs retraités chaque année selon l'étude d'impact du projet de réforme. Quant au nombre de personnes qui en bénéficiera pleinement, l'estimation est peu encourageante. Selon  le  gouvernement  sur 850 000 liquidations de retraite par an, 40 000 personnes seulement pourront prétendre à une retraite d'au moins 1 200 euros brut ou proche de 85% du Smic net mensuel.

"La réforme est efficace et source de progrès"

FAUX

La réforme passe sous silence la détérioration de l’état de santé des salariés contraints désormais à travailler plus longtemps. En cas d’allongement des carrières, les plus fragilisés par la précarité et les pénibilités risquent de ne pas pouvoir atteindre l’âge de départ à taux plein. Ce qu’ils ne « coûteraient » pas en pensions de retraite, ils le « coûteraient » en indemnités chômage et maladie ».

En 2021, la fédération Théorie et évaluation des politiques publiques a publié une étude attestant que suite à la réforme de 2010 et le passage de 60 à 62 ans, la fréquence des arrêts maladie a augmenté de 1,6 à2,4%.

« Ce type de réforme engendre aussi des effets collatéraux comme le déversement vers des régimes alternatifs tels que le chômage ou l’invalidité » ; concluant que « Si un tel effet s’avérait significatif, cela impliquerait qu’en cherchant à réduire le déficit des caisses d’assurance-retraite, la réforme a aussi creusé celui de l’assurance-maladie. »

Une analyse que confirme une récente étude du CNAM CEET (Février 2023). Selon cette étude, les analyses économétriques confirment que le report de l'âge suite à la réforme de 2010 a entraîné une augmentation significative des arrêts maladie après 60 ans (+1,7%). Cela peut varier à la hausse, car il existerait en effet des individus dont l’état de santé est devenu si contraignant qu’il leur est difficile de rester en emploi.

Les économies réalisées avec le projet de réforme (17 milliards d’euros) sont alors rapidement entamées par les externalités négatives produites par le report de l’âge. Selon le COR, l’augmentation de l’âge aura pour effet d’augmenter d’un peu plus de 30% les dépenses d’invalidité et de chômage, soit un peu plus de 5 milliards d’euros.

"Cette réforme est porteuse de progrès pour les femmes"

FAUX

Alors que les femmes ont des carrières plus hachées que celles des hommes (40% d’entre elles partent sans avoir validé une carrière complète), elles seront elles aussi contraintes de travailler deux années supplémentaires. À titre d’exemple, à l’heure actuelle, une jeune femme âgée de 23 ans ayant eu deux enfants au cours de sa vie bénéficie de huit trimestres par enfant. Ces 16 trimestres lui permettent de partir à 62 ans au lieu de 66. En repoussant l’âge légal à 64 ans, cette femme perdra 50% de ce bonus et devra travailler 2 ans de plus.

Le Gouvernement prévoit de comptabiliser un maximum de quatre trimestres supplémentaires pour la prise d’un congé parental afin de partir avec le dispositif de carrières longues, ainsi que dans le calcul du minimum de pension de celles qui ont travaillé plus de 30 ans. Réservée aux mères ayant commencé à travailler avant 20 ans, cette mesure ne devrait concerner que 3 000 femmes par an. Ce n’est donc nullement un progrès pour les femmes.

A la différence des hommes, les femmes « sont plus susceptibles de rester longtemps dans un emploi avec des pénibilités » en raison de parcours « globalement moins ascensionnels », relevaient l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (Anact) et l’administration centrale du ministère du Travail (Dgefp), dans un rapport conjoint publié en 2019.

"La France est le seul pays en Europe où les salariés partent plus tôt"

FAUX

Selon le gouvernement, l’âge minimal de départ à la retraite serait de 66 ans dans la plupart des pays européens. En réalité il s’agit de l’âge de la retraite à taux plein, comparable à celui de nos 67 ans. Dans tous ces pays, l’âge effectif moyen de fin d’activité est de l’ordre de 63 ans. Il existe pour cela des dispositifs permettant de partir avant 66 ans. Cet âge peut varier selon le sexe du travailleur, comme dans un quart des pays de l’UE, et aussi selon le statut professionnel et les exceptions propres à chaque État. Tous prévoient des systèmes de retraite anticipée ou au contraire différée, à côté de l’âge de départ normal. Enfin, le départ à la retraite dépend partout du nombre d’annéestravaillées.

Avec la réforme du gouvernement, la France serait l’un des seuls pays à exiger une durée de cotisation aussi élevée (43 ans en2027).

En Allemagne, par exemple, les assurés, justifiant de 35 années de cotisation peuvent partir à 63 ans, mais avec une décote de 0,3 % par mois d’anticipation sur leur pension.

En Italie, les assurés peuvent partir à la retraite après 42 ans et 10 mois de cotisations pour les hommes, 41 ans et 10 mois pour les femmes.

Le dernier rapport du COR estime que l’âge effectif de départ à la retraite en France « s’établit aux alentours de 63 ans en 2021 », soit un an de plus que l’âge légal de départ actuel et tout juste en dessous de la moyenne de 63,9 ans en Europe ( OCDE).

Pouunreformjuste, desolutionexistent

Les contre-vérités du gouvernement que nous venons de passer en revue confirment ses difficultés à justifier le bien fondé de son projet de réforme. Les chiffres et les analyses du COR attestent que les dépenses des retraites se stabilisent et que leur part dans le PIB ne connait aucun dérapage susceptible de conduire à une faillite du système. Le solde déficitaire du système des retraites en 2027, soit -0,4% du PIB provient pour 2/3 d’une baisse desressources.

Le rythme de croissance des dépenses entre 2022 et 2027 n’est pas compatible avec les objectifs du gouvernement par rapport au niveau de déficit souhaitable. L’objectif du gouvernement est de limiter les dépenses publiques à +0,6%/ an hors inflation ; or, la croissance projetée des dépenses de retraites sur la même période est de 1,8%/an hors inflation. En ne maintenant pas une contribution à hauteur des besoins de financement des retraites, l’État fait le choix de réduire de 2 années la durée de vie à la retraite des futurs salariés pour réaliser des économiesbudgétaires.

Il y a bien un déficit projeté face auquel des décisions de gestion sont à prendre ; soit en affectant de nouvelles ressources, soit en diminuant les pensions soit en agissant sur l’âge. Le gouvernement a fait le choix de recourir à des mesures d’âge brutales pour obtenir très rapidement 17 milliards d’économies, notamment sur les personnes les plus vulnérables. Pourtant, de nombreuses autres solutions existent, socialement plus justes et économiquement plus efficaces.

Augmenter légèrement les cotisations sociales

En agissant sur le taux de prélèvement il est possible d’apporter des ressources supplémentaires pour équilibrer durablement le système des retraites chaque année. Les ressources du système des retraites proviennent à 79% des cotisations prélevées sur les salaires.

La part des ressources de financement des retraites prélevées sur les revenus d’activité est de l’ordre de 31,2%, soit 13,8% du PIB en 2021. En portant ce taux à 31,6% en moyenne sur 25 ans dès 2027 -soit un effort réel de +1,4% avec une croissance économique de +1%, le régime des retraites serait à l’équilibre chaqueannée.

Dans cette hypothèse, si la hausse reposait essentiellement sur les cotisations salariales, son montant serait de 22 euros nets mensuels pour un salaire moyen et de 11 euros nets mensuels au SMIC. Cela suffirait à éponger le déficit en 2027.

Une augmentation d’autant plus soutenable dès lors qu’elle s’accompagnerait d’une hausse des salaires et d’une réduction des inégalités salariales.

Maintenir la contribution de l'État à 2%

Les ressources du système des retraites proviennent à 79% des cotisations prélevées sur les salaires, 12% d’impôts affectés ( TVA..), 7% des transferts de la part des régimes tels que la CAF et l’Unedic et 2% de l’Etat.

De moindres effectifs et de moindres rémunérations entraînent de moindres recettes pour le système de retraite, en particulier pour les retraites des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, qui sont abondées par les cotisations salariales et patronales de 2,2 millions d’agents -soit 22 milliards d’euros de recettes en2021.

Si l’Etat maintenait son taux d’effort à 2% en dépit de la diminution du nombre de fonctionnaires – et donc de prélèvement – le système de retraites ne subirait aucun déséquilibre majeur. Malheureusement les choix budgétaires de l’État sont tout autre puisque ces derniers le conduisent à réduire sa contribution à moins de 1% d’ici 50 ans. Le COR lui-même fait mention dans son rapport du « caractère paradoxal de ce résultat, les mesures d’économie sur la masse salariale publique se traduisant par une détérioration du solde du système de retraite».

La politique d’austérité pour les services publics conduit ainsi à creuser le déficit des retraites, lequel justifie selon le gouvernement d'être réduit par des mesures injustes etbrutales.

 

Augmenter le taux d'emploi des séniors

Pour financer le système des retraites, l’enjeu fondamental est le taux d’activité. Si le gouvernement souhaite sincèrement engager une reforme afin de trouver des recettes supplémentaires pour le régime des retraites, plutôt que de faire preuve de dogmatisme en imposant une mesure budgétaire injuste, il peut envisager une réelle concertation visant à trouver les moyens d’accroître l’emploi des seniors.

En effet, la part des 55/64 ans sans emploi (56%) pèse lourd dans le déficit prévisionnel du régime. Selon l’économiste Jean-Hervé Lorenzi (Cercle des économistes), une hausse de dix points du taux d’activité des seniors suffirait à équilibrer les comptes. Selon la Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE), la hausse de 825 000 séniors en emploi pourrait faire croitre d’environ 2 points le PIB en 2032, soit une richesse supplémentaire de 50 milliards d’euros.

Conditionner les aides publiques aux entreprises

Selon une étude du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques publiée à l’IRES, les aides publiques aux entreprises atteignaient aux alentours de 30 milliards d’euros par an dans les années 1990. Elles s'élevaient à plus de 100 milliards d’euros par an dès 2008 pour culminer à 157 milliards en 2019, avant même la mise en œuvre du « quoi qu’il en coûte».

Ces aides publiques sans conditions ni contrôles se traduisent par des baisses de cotisations sociales employeurs, avec pour objectif d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises sur le territoire, de redresser le commerce extérieur et de freiner la désindustrialisation. Ces aides, véritables transferts de richesses publiques aux entreprises, n’ont cessé de progresser : elles représentaient l’équivalent de 2,4 % du PIB en 1979 et 6,4% en 2019.

Des aides aussi coûteuses que peu efficaces : pour exemple, le déficit du commerce extérieur de la France a doublé en un an pour atteindre 164 milliards d’euros. Bien que la crise énergétique compte pour la moitié dans cette hausse, le déficit historique sur les biens industriels reste malheureusement toujours d’actualité.

Une. réduction de 7,6% des aides publiques sur la base du montant versé en 2019 (hors covid) permettrait de dégager les 12 milliards d’euros que le gouvernement cherche à économiser par son projet de réforme.

Mieux encore, en conditionnant ces aides à l’accès et au maintien dans l’emploi des séniors, à l’amélioration des conditions de travail ou à la réduction des inégalités salariales, l’effet sur le taux d’emploi et sur la croissance des revenus serait immédiat, avec de surcroit des ressources supplémentaires pour le système des retraites.

Revoir le plafond du crédit impôt recherche (CIR)

Le CIR permet chaque année à plus de 20.000 entreprises d’obtenir, sur leur imposition, un crédit égal à 30% de dépenses de recherche dans la limite de 100 millions d'euros, et à 5 % au-delà. Au total, le crédit impôt recherche représente plus de 7 milliards d'euros par an.

Or, ce dispositif très généreux est insuffisamment contrôlé, créant un réel effet d’aubaine pour des entreprises qui ne manquent pas de fonds propres pour investir ; sans oublier celles qui n’hésitent pas à s’en servir pour planifier des plans sociaux. Revoir les modalités d’attribution et le plafond du montant du CIRpermettrait de renforcer l'efficience du dispositif tout en dégageant des réelles pistes d’économie pour les financespubliques.

 

Faire de la fiscalité l'expression de la solidarité

Le système des retraites est au cœur de notre modèle social. Il en est la traduction des valeurs de solidarité et de justice. Comme le rappelle le gouverneur de la Banque de France, la fiscalité doit aussi traduire ces valeurs ; ce qui suppose de rappeler que l'impôt fait partie du financement des services publics et procède donc de la solidarité. Poursuivre la baisse des impôts alors même que les déficits se creusent est tout simplement un non sens économique. Il faut au contraire faire le choix d’un système fiscal qui n’amoindrisse pas l’apport de recettes provenant de l’impôt sur le revenu et renforce le pouvoir redistributif de celui-ci. Les niches fiscales, dont le nombre est estimé à environ 471, représentent un manque à gagner de l'ordre de 83 milliards par an (hors CICE), soit 25 % des recettes budgétaires ou encore près de 4 % du PIB. Leur rationalisation permettrait de dégager de substantielles économies. Une fiscalité plus juste impliquerait également une plus forte contribution des hauts revenus.

Le coût de le crise économique liée à la pandémie nécessite l'instauration d'un impôt temporaire de solidarité, consistant à renforcer provisoirement l'imposition sur les tranches les plus élevées de l'impôt sur le revenu. Les revenus financiers doivent également contribuer à cet effort.

En 2022, le montant total des dividendes et de rachats d’actions versé aux actionnaires par les entreprises du CAC 40 a atteint le montant record de 80,2 milliards d’euros. Moins de 14% de cette somme suffirait à combler le déficit prévisionnel des retraites.

 

RENONCER A LA SUPPRESSION DE LA CVAE

La fin de la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est programmée sur 2 ans. Elle est diminuée de moitié en 2023 avant d'être totalement supprimée en 2024, soit à compter de cette date une perte de 8 milliards par an. Sur ces deux années, l’État se prive de 12 milliards d'euros pour réduire son déficit public. Un choix délibéré, qui le conduit à compenser cette perte par le report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans.

 

Renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale

Si l’objectif tacite du gouvernement est de réaliser des économies pour réduire le déficit public, alors la lutte contre la fraude fiscale est de nature à y pourvoir. Dans le seul cas de la fraude à la TVA, le manque à gagner se chiffre selon l’INSEE entre 20 et 25 milliards d’euros annuels.

 

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