[Manque de places] Pour SNICA-FO,
« le véritable fléau c’est le taux d’échec à l’examen ! »
Mi-février, nous publiions un article sur le manque de places d’examens en Île-de-France. Selon les chiffres communiqués par la DSR aux organisations professionnelles, le phénomène est plus généralisé puisque 30 départements sont touchés (avec un seuil réel moyen inférieur à 5 sur les six derniers mois). Le recrutement en cours de 100 IPCSR supplémentaires entre 2023 et 2025 devrait permettre de réduire les tensions.
Cette semaine, nous avons souhaité donner la parole à des acteurs directement concernés : les inspecteurs et les délégués du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR et DPCSR). Pascale Maset, secrétaire générale du SNICA-FO, a répondu à nos questions. Elle défend l’idée selon laquelle le problème ne vient pas du manque de places d’examens mais plutôt d’un taux de réussite trop faible.
[PermisMag] Bonjour, pour augmenter le nombre de places d’examen et réduire les délais de présentation, la mesure communément avancée est d’augmenter le nombre d’inspecteurs. Selon vous cette mesure « aurait pour effet immédiat de faire baisser le taux de réussite, ce qui serait contreproductif et socialement inacceptable ». Est-ce que vous pouvez préciser votre position ?
[SNICA-FO] Ce n’est pas par plaisir ou par incompétence qu’un EECSR emmène à l’examen des candidats insuffisamment préparés. Il inscrit d’abord tous ceux qui ont le niveau. Et il complète ensuite avec les candidats qui veulent « tenter leur chance », soit parce qu’ils cumulent beaucoup de leçons, soit parce qu’ils exigent d’être présentés, ou les deux.
Ainsi, si un EECSR dispose de 10 places d’examen, il présente les 5 ou 6 candidats qui sont prêts (moyenne nationale = 53%) et 4 ou 5 autres élèves qui ne le sont pas. Si à ce même moment elle disposait de 15 places au lieu de 10, elle n’aurait pour autant pas davantage de candidats capables de décrocher le sésame. C’est ainsi que le taux de réussite à l’examen baisserait. C’est un constat mathématique immuable.
[PermisMag] Au SNICA-FO, vous estimez – chiffres à l’appui – que c’est l’augmentation du taux de réussite à l’examen qui permettra de pallier le manque de places. D’après vous, quelles sont les mesures à mettre en place pour faire progresser ce taux de réussite ?
Ce qui manque ce ne sont pas les places d’examen. Le service public produit 1,5 million de places d’examen B pour 900 000 permis délivrés. Augmenter la production de places n’aurait pour conséquence que d’augmenter le nombre de candidats ajournés. Il faut donc améliorer la formation pour que l’échec recule. Hélas, les EECSR n’ont pas de réelle possibilité de refuser l’examen à des élèves au niveau trop faible. C’est pourquoi le SNICA-FO a proposé de mettre en place un Test de Perception des Risques (TPR), gratuit et en ligne. La réussite à ce test, par ailleurs préconisé par tous les experts européens, serait le ticket d’accès à l’examen du permis de conduire, ce qui réduirait les présentations fantaisistes de candidats qui n’ont aucune chance de réussir.
C’est dans un cercle vertueux de réussite qu’il convient de s’inscrire, et non dans une production effrénée de places d’examen pour des prestations vouées à l’échec.
[PermisMag] Début janvier, le député Marc Ferracci (LREM) a proposé que « de nouveaux acteurs » puissent faire passer l’examen après s’être soumis à un « simple processus de certification ». Il s’agit d’une simple proposition pour l’instant. Est-ce que vous redoutez que cela soit un premier pas vers une privatisation de l’examen pratique ? Il s’agit selon vous d’une ligne rouge ?
C’est grâce à plusieurs mois de formation que les IPCSR et DPCSR deviennent des experts en évaluation, en réglementation, en conduite et en sécurité routière. Il est impossible de disposer d’un tel niveau d’expertise après un « simple processus de certification ». Ces fonctionnaires d’État sont par ailleurs garants de la qualité et de l’impartialité du 1er examen de France.
Le SNICA-FO, syndicat majoritaire de la filière, est en ordre de marche pour combattre toute tentative visant à remplacer les IPCSR et DPCSR par « d’autres acteurs ». Il faut sortir de la culture de l’échec et proposer aux jeunes et aux chercheurs d’emploi des solutions permettant de réduire les délais d’obtention du permis et non de passer leur examen X fois, même dans des délais courts. La France ne peut sacrifier les jeunes sur l’autel de l’austérité budgétaire. Nous assurons toutes nos missions grâce à seulement 0,022 IDPCSR pour 1 000 habitants. Les économies réalisables dans ce domaine sont donc dérisoires, alors que cette dépense est profitable aux jeunes. Elle leur assure un examen de qualité et gratuit.
Pour aider les jeunes, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté, le SNICA-FO préconise un audit des financements de la formation des conducteurs, afin de connaître le montant de l’argent public utilisé et de rationaliser son utilisation. Le permis à 1€/jour par exemple ne profite pas aux personnes qui en ont réellement besoin car une caution est obligatoire.