Paris, le 05 novembre 2018
Monsieur Christophe CASTANER
Ministre de l’Intérieur
Référence : SG/14/18
Objet : Mission parlementaire sur le permis de conduire et dialogue social
Monsieur le Ministre,
La politique de sécurité et d’éducation routières est une matière extrêmement sensible et l'expérience révèle que, dans ce domaine plus que dans d'autres, les mesures qui s’y rapportent méritent d’être abordées sous le prisme de l’acceptabilité sociale.
Depuis 2002 en particulier, la répression accrue sur les routes a mis fin au sentiment d'impunité de nombreux conducteurs et provoqué une rupture dans le comportement de certains. Si des résultats probants ont été obtenus sur la durée, il apparaît que la politique répressive, outre le fort mécontentement populaire qu’elle suscite, a atteint ces derniers temps ses limites, à en juger par la stagnation des statistiques liées à la sinistralité et la mortalité routières.
Bien qu’indispensable, la répression ne saurait constituer l’élément quasi exclusif de cette politique publique. La formation et l’examen du permis de conduire, en tant que maillons essentiels du continuum éducatif, constituent également deux de ses fondements.
Pleinement conscient de cette réalité, le Premier ministre a confié à Madame Dumas et Monsieur Guérini, députés, une mission parlementaire ayant pour objet d’évaluer les conditions d’obtention du permis de conduire, tant dans sa dimension formation qu’examen.
Mon organisation syndicale, majoritaire au sein de notre filière vient d’être auditionnée dans ce cadre.
Elle a ainsi pu mettre en avant les principes incontournables qui guident son action depuis toujours : la défense inconditionnelle du service public, garant de l’égalité de traitement des usagers, l’attachement indéfectible à l’ensemble des missions statutaires confiées aux inspecteurs et délégués du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR et DPCSR), tant sur le chapitre des examens que des contrôles prévus au sein des établissements privés.
Outre le rappel de ces fondamentaux, ce moment d’échanges a permis au SNICA-FO de souligner en quoi la méthode de calcul des délais d’attente à l’examen ne reflète pas la réalité du terrain. Ce constant est d’ailleurs partagé par les organisations majoritaires des auto-écoles. Il a également constitué l’occasion d’informer la mission parlementaire des dérives et fraudes qui se multiplient au sein des centres d’examen théorique gérés par les opérateurs agréés par l’Etat.
Le courrier de Monsieur Edouard Philippe aux députés en charge de la mission parlementaire souligne à juste titre que la qualité de la formation est « conditionnée par le niveau des examens théoriques et pratiques ». La marchandisation de l’épreuve théorique générale (ETG) constitue de fait l’exemple à ne pas suivre. Le degré de connaissances réglementaires exigé pour l’examen a en outre significativement fléchi à l’occasion de la réforme du système. Les candidats, devenus clients, sont entrés dans une démarche où le paiement d’une redevance leur permet non plus de restituer un savoir, mais de tenter leur chance à de multiples reprises en vue de l’obtention de l’examen. Alors même que les élèves conducteurs sont détenteurs de l’ETG, cette méconnaissance des règles oblige notamment les écoles de conduite à augmenter le volume de formation pratique, ce qui inévitablement se répercute sur le coût final d’obtention du titre.
Notre objectif commun consistant à favoriser l’accès au permis de conduire et à mettre sur la route des conducteurs sûrs, le SNICA-FO a communiqué à Madame Dumas et Monsieur Guérini un ensemble de propositions susceptibles de fluidifier le système actuel à moindre coût pour l’usager et pour l’Administration. Notre réflexion se fonde exclusivement sur la réduction des délais d’obtention, et non pas sur la production de places d’examen, cette dernière équivalant à la baisse du taux de réussite en première présentation. Nous espérons que le rapport final dont vous serez destinataire à la mi-décembre fera état de nos pistes d’évolution.
Alors que dans un communiqué de presse du 24 octobre vous rappelez le caractère indispensable d’échanges permanents et constructifs avec les différents partenaires, nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir convier l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles représentatives au sein de la filière du permis de conduire et de l’enseignement de la conduite à une réunion d’information pendant laquelle seront exposées les différentes propositions de la mission parlementaire. Une telle rencontre, qui interviendrait en amont de toute annonce officielle, constituerait un signal fort de votre attachement au dialogue social, alors que les IPCSR et DPCSR ont encore en mémoire la méthode employée en juin 2014. C’est en effet par voie de presse que les agents et leurs syndicats avaient découvert avec stupeur et indignation les arbitrages de leur ministère de tutelle pour leur secteur d’activité.
Persuadée que vous saurez donner une suite favorable à notre demande et vous démarquer par la méthode, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma très respectueuse considération.
Pascale MASET
Secrétaire générale
Copie :
Monsieur Eric JALON, Préfet, Conseiller affaires intérieures du Premier ministre
Monsieur le Colonel Samuel DUBUIS, Conseiller gendarmerie du Premier ministre
Monsieur Stéphane BOUILLON, Préfet, Directeur de cabinet du MI
Monsieur Christophe MIRMAND, Préfet, Secrétaire général du MI
Monsieur Emmanuel BARBE, Magistrat, DISR