Le taux de grévistes dans les services « relation clients » du fournisseur de gaz et d’électricité Engie (ex GDF Suez) a atteint 43,2% ce 26 juin. Un chiffre sans précédent. Quelque 200 manifestants se sont rassemblés devant le siège de l’entreprise à Paris. Objectif de cette journée de mobilisation à l’appel de FO, de la CGC et de la CGT : demander l’arrêt du dumping social par des délocalisations d’activités dans des pays à bas coût du travail et la pérennisation des emplois en France.
Feu aux poudres. La digitalisation des processus représente l’avenir et les centres téléphoniques ne sont nullement l’avenir !
Ces propos d’Isabelle Kocher, directeur général d’Engie, lors de son audition au sénat le 6 juin dernier, ont transformé l’inquiétude grandissante des salariés des dits centre d’appels en colère.
Pas moins de 30% des activités ont d’ores et déjà été délocalisées ces dix dernières années dans des pays francophones à bas coût de travail (essentiellement au Maroc mais aussi au Portugal et à l’Ile Maurice) et l’on atteindra bientôt les 50% avec les nouvelles délocalisations programmées sur ces seuls six derniers mois, indique Gildas Gouvazé, FO, secrétaire du Comité central d’entreprise.
Dumping social
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis 2008, Engie a externalisé 80% de son activité clientèle à des prestataires extérieurs. Ces derniers, sous la pression du groupe qui leur demande de baisser les coûts de 30 % délocalisent à tout va dans des pays où les salaires sont beaucoup plus faibles et la durée du travail beaucoup plus importante qu’en France. Etant déjà implantés dans ces pays, ils peuvent répondre très facilement et très rapidement aux exigences de la direction d’Engie.
Pas moins de 1 200 emplois ont d’ores et déjà été supprimés en France aussi bien en interne que chez les prestataires, ce qui a entraîné la fermeture de 23 sites dans l’hexagone.
Il n’y a aucune justification économique, technologique ni concurrentielle à ce massacre !
ont dénoncé les trois organisations syndicales dans leur appel à la mobilisation de ce 26 juin. De fait, le groupe a réalisé un bénéfice de 1,4 milliard d’euros en 2017 et les dividendes ont augmenté de 7%.
Sous la menace d’une privatisation totale du groupe, l’angoisse et la colère montent encore d’un cran
Ce 26 juin, le taux de grévistes, à l’appel de FO ainsi que de la CGC et la CGT, a atteint 43 %, une première
souligne le responsable FO et environ 200 grévistes ont manifesté devant le siège de l’entreprise dans le quartier de La Défense à Paris, en présence d’élus venus les soutenir.
L’inquiétude des salariés des services « relation clients » est renforcée par l’incertitude quant à l’avenir du groupe dans son entier, menacé de privatisation totale, puisque, dans le cadre du projet de loi Pacte, l’obligation pour l’État de détenir 33% des capitaux (ou plus exactement 33% des droits de vote depuis 2014) disparaîtrait.
Cela rajoute évidemment une couche d’anxiété sur les plateaux car cela revient à nous dire que l’État ne pourra plus intervenir. C’est une protection qui tombe. Même si l’État n’est déjà pas assez présent pour peser sur les choix stratégiques du groupe, le fait qu’il se désengage totalement rajoute encore plus d’incertitude quant à l’avenir
, résume Gildas Gavouzé.
La Fédération FO condamne le désengagement de l’État et appelle à la journée de mobilisation du 28 juin
L’État sera-t-il encore en mesure dans ces conditions de limiter à 20% les externalisations de l’activité « relations clients » comme l’ont demandé les syndicats ?
La Fédération FO Energie et Mines (FNEM FO) dénonce : On avait promis aux salariés de Gaz de France, devenus GDF Suez puis Engie, un développement puissant dans le Ga. Ils ont eu droit à la vente de l’exploration-production, pépite de l’ex GDF, à celle du GNL (Gaz naturel liquéfié NDLR), à des taux de dividendes records et à une régression sociale marquée par le conflit en cours mené par FO chez les commercialisateurs (services relations clients, NDLR), le tout agrémenté de propos scandaleux de la numéro 2 d’Engie, Mme Kocher, devant le Sénat, selon lesquels ces derniers métiers n’ont pas d’avenir !
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Condamnant le désengagement de l’État dans Engie, la fédération FO espère que les parlementaires du groupe majoritaire feront preuve d’un minimum d’esprit critique pour refuser cette nouvelle régression qui s’annonce et qui n’était pas dans le programme du candidat Macron.
C’est dans ce cadre, qu’elle s’inscrit dans l’appel de sa confédération à une journée d’action le 28 juin.
L’histoire d’une privatisation inavouée et de promesses envolées
En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances, avait fait la promesse que la transformation de l’établissement public Gaz de France en société anonyme n’entraînerait –jamais– sa privatisation. Deux ans plus tard, une nouvelle promesse prenait le relais : l’État devrait obligatoirement garder un tiers du capital pour protéger les actifs. En 2014, cette règle a été subrepticement modifiée : l’État ne doit plus détenir 33 % du capital mais 33% du droit de vote, ce qui en réalité minore la part du capital public, puisqu’il existe des droits de vote double. Aujourd’hui, le projet de loi Pacte programme la disparition pure et simple de cette disposition et le gouvernement actuel indique simplement que l’État n’envisage pas de céder ses parts « rapidement ». Entre temps, GDF a été fusionné avec le groupe privé Suez en 2008, puis le groupe GDF Suez est devenu Engie en 2015.
L’action unique ? Une protection quasiment réduite à néant par le droit européen
Le gouvernement prétend que l’État-actionnaire pourra toujours protéger le groupe d’OPA hostiles, et donc ses salariés et les consommateurs de gaz, grâce au système de « golden share », ou « action spécifique » en français. De quoi s’agit-il ? Cet instrument confère à l’État des droits de contrôle vis-à-vis d’une société et de ses filiales indépendamment de sa participation au capital de la dite société.
Mais en réalité, la possibilité d’utiliser cet instrument est quasiment réduite à néant par la réglementation européenne. Plusieurs arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ont statué que les golden shares sont de nature à dissuader les investissements étrangers dans les sociétés concernées et constituent donc des restrictions à la libre circulation des capitaux prévue par les traités européens.
Pour la CJUE l’utilisation de l’action spécifique par un État pour bloquer une OPA ne peut donc être justifiée que par des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou par des raisons impérieuses d’intérêt général.