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Paris, le 22 février 2018

M. Philippe Bas, Sénateur de la Manche
M. Hervé Maurey, Sénateur de l’Eure

 

 Référence : SG/03/18

Objet : Répression routière ou éducation routière ?

 

Messieurs les Sénateurs,

 

Le 24 janvier dernier, la commission des lois et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ont entendu M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière. L’objectif consistait à obtenir son éclairage sur le plan gouvernemental de lutte contre l’insécurité routière, en particulier sur la mesure visant à la réduction à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur certaines routes.

À l’issue de cette audition, un groupe de travail a été créé afin de procéder à des auditions préparatoires à la tenue d’une table ronde sur la sécurité routière ouverte à tous les sénateurs.

Indépendamment des résultats des études et de l’expérimentation dont vous avez demandés communication par courrier au Premier ministre le 11 janvier dernier, il nous semble important de considérer la réalité de l’éducation routière en France dans un contexte où l’Etat concentre essentiellement son action sur la répression des usagers.

C’est la raison pour laquelle le SNICA-FO, syndicat majoritaire de la filière permis de conduire et sécurité routière, prend la liberté de vous contacter.

Il nous semble évident que les orientations répressives ignorent en grande partie le champ de recherche s’intéressant aux principes du comportement humain et aux mécanismes de l’apprentissage. Il apparait pourtant essentiel que les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’insécurité sur les routes tiennent compte de ces connaissances fondamentales et en explorent toutes les possibilités.

Le fait que notre façon d’agir soit modifiée par ses conséquences constitue un principe de base qui concerne tous les êtres humains, sans exception, et dans tous les domaines. En France, l’Etat tente de faire évoluer les pratiques des usagers de la route principalement par le biais de conséquences « désagréables », c’est-à-dire par les méthodes répressives.

Or la science du comportement nous apprend, au sujet des apprentissages par la sanction, qu’ils n’apportent une plus-value qu’à court terme et qu’ils sont soumis à un phénomène d’habituation qui tend à leur faire perdre rapidement leur efficacité. Le fait que la très grande majorité des automobilistes ré-accélère après le radar tend à le démonter, tout comme les nombreuses récidives. En outre, la répression apprend uniquement à ne pas adopter certains comportements, sans pour autant enseigner celui qu’il conviendrait d’avoir. Il est à noter enfin que cette politique favorise les réactions émotionnelles encourageant l’agressivité, voire la rancœur envers le système, a fortiori quand la règle n’est pas comprise et quand l’usager doute de sa pertinence.

C’est pourquoi, en parallèle d’un système répressif loin de donner satisfaction, l’Etat doit accentuer significativement ses efforts sur la primo formation à la sécurité routière et au permis de conduire. Par sa faculté à enseigner ce qui est approprié et à ancrer durablement un meilleur savoir vivre sur la route, cette phase dispensée auprès de la jeunesse se révèle déterminante.

Il apparait que la majeure partie de cet enseignement est confiée aux auto-écoles. Or depuis des années, l’Etat a laissé ce secteur d’activité livré à lui-même alors qu’il est tenu réglementairement, au travers des inspecteurs et délégués du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR et DPCSR), de s’assurer des bonnes pratiques pédagogiques qui y sont délivrées. Des dérives préjudiciables sont pourtant connues, mais la pression exercée sur les « délais d’attente à l’examen », notion dont nous avons toujours contesté la réalité au regard de la méthode de calcul choisie, a incité notre ministère à délaisser ce pan de nos missions statutaires.

L’erreur stratégique est flagrante, car un enseignement de qualité contribue, non seulement à obtenir son examen du permis de conduire le plus rapidement possible et à moindre coût, mais encore à ancrer durablement des comportements sûrs sur la route.

Par ailleurs, l’examen pratique de la catégorie B, mené par des IPCSR dont le statut de fonctionnaire les rend imperméables à toutes pressions, constitue un filtre indispensable et écarte les usagers au comportement dangereux. Mais il apparaît qu’un nombre croissant de catégories du permis de conduire est validé par les auto-écoles elles-mêmes. Cet état de fait, que nous dénonçons dans la mesure où nous affirmons que tout examen devrait être assuré par un inspecteur, requiert du ministère de l’intérieur le déploiement d’une politique ambitieuse de contrôles réalisés par les IPCSR et DPCSR.

Il existe une injonction paradoxale dans le fait de demander aux usagers de respecter des règles, en les contraignant par la sanction, et dans le même temps de les engager à être plus responsables. Il se trouve, le plus naturellement du monde, que plus la règle se durcit et plus la répression augmente, plus notre vigilance et notre responsabilisation s’amenuisent.

La vie collective, sur la route comme dans la société en général, impose un respect de l’autre, en même temps que la collectivité doit à chacun le respect de qui il est. Il doit y avoir un mode éducationnel engageant l’Etat au travers des écoles de conduite pour contribuer à une conscience élargie vers un meilleur « savoir vivre » sur la route. Cet objectif ne peut être atteint que si l’Etat se donne les moyens de garantir aux usagers une éducation routière de qualité, dispensée au travers de cette délégation de service public que constitue l’enseignement délivré par les auto-écoles. Pour ce faire, les missions de contrôles des IPCSR et DPCSR doivent être impérativement déployées.

Ainsi la politique de répression prendra sens et ne fera plus peur aux usagers qui, au contraire, se sentiront plus sécurisés par son existence. Réprimer sans éduquer convenablement constitue une aberration.

Je reste à votre disposition pour toute précision que vous jugerez utile et vous prie de croire, Messieurs les Sénateurs, à l’assurance de ma meilleure considération.

Pascale MASET

Secrétaire générale

Copie : M. Jean-Luc Fichet, Sénateur du Finistère
            M. Michel Raison, Sénateur de Haute-Saône
            Mme Michèle Vullien, Sénatrice du Rhône

 

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