Le Premier Ministre a lancé en septembre dernier ce qui doit être la grande réforme de l'Etat du quinquennat.
Avec une force inégalée "Action publique 2022" arrive ainsi après la RGPP* de N. Sarkozy et la MAP* de F. Hollande.
La mise en place du CAP 2022 (Comité d'action publique 2022) constitue la première étape de ce big bang annoncé.
« Notre pays change d’ère, nos services publics le doivent aussi », a expliqué le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, lors du lancement officiel de ce comité, le vendredi 13 octobre.
Parmi les membres du Comité CAP 2022, citons Ross McInnes président de Safran, l’ex-président du Conseil italien Enrico Letta, qui a toujours vanté les mérites de la rigueur budgétaire, la cadre dirigeante de Nexity Véronique Bédague-Hamilius, le député LREM Jean-René Cazeneuve, la sénatrice LR Christine Lavarde etc. De nombreux « experts » figuraient déjà dans la commission Attali, très hostile au service public et réunie en 2008 par Nicolas Sarkozy. Plusieurs membres de l’Institut Montaigne, connu pour ses publications ultralibérales, ont également été retenus pour mener « une réflexion sur la transformation ambitieuse de l’action publique ».
Il ne faut pas être devin pour savoir que les conclusions de ce comité trié sur le volet seront nécessairement très libérales et technocrates !
L’allégeance au libéralisme du président de la République avait déjà mis en évidence une vision très « moderne » du service public. Dans la langue libérale, il faut entendre par « modernité » et « efficacité » une volonté de saborder l’existant, ou plus exactement de le dégrader d’avantage. Pour mémoire, Emmanuel Macron avait déjà, pendant la campagne présidentielle, jugé le statut général des fonctionnaires « inadapté » et qualifié les personnels à statuts d’« insiders », c’est-à-dire de « privilégiés ».
N’en doutons pas : le pouvoir exécutif a déjà une idée précise des réformes qu’il a décidé d’entreprendre en matière de service public. Il s’agit simplement par le CAP 2022 de préparer le terrain. La lettre du 26 septembre dernier du Premier Ministre (en PJ de ce post) aux différents ministres évoque clairement « des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions ».
C’est ainsi qu’avec le CAP2022, vingt et un domaines devront être explorés. Les leviers RH seront plus particulièrement appréhendés : cadre statutaire, rémunération, recrutement, dialogue social, management et leviers, qualité de vie au travail, prévention de l’absentéisme et risques professionnels, formation, parcours professionnels, déconcentration de la gestion, numérisation de la fonction RH. Tout est passé au crible.
Le rapport du comité devra être remis en février 2018, pour une "mise en œuvre opérationnelle", prévue à partir de mars 2018. Ce délai très court démontre bien évidemment le manque de sincérité de l’opération.
On devine de là le refrain de la chanson qui en découlera : faire plus avec moins de moyens, pour un niveau de salaire qui se dégrade au fil des ans, et dans un périmètre de service public appelé à se réduire comme peau de chagrin.
Bien sûr, et comme toujours, les objectifs affichés sont d’une extrême banalité et faussement rassurants : il s’agit de tenir compte des intérêts des usagers (amélioration des services et de la confiance), des agents (modernisation des conditions de travail) et des contribuables (accompagnement de la réduction des dépenses publiques).
Mais en perspective, c’est ultimement la réduction des missions du secteur public, tout en mettant l’accent sur le caractère inapproprié de sa gestion par une intense communication, qui est visée. Le spectre des privatisations, de l’économie mixte, de la dérégulation et de la délégation de service public surgit de nouveau, et avec une force inégalée !
La prise de conscience des fonctionnaires, décidés à défendre la conception française du service public et de la fonction publique, devient une exigence face à de telles attaques.
* RGPP = Révision générale des politiques publiques / MAP = Modernisation de l'action publique