Huit heures : le Jobcenter du quartier berlinois de Pankow vient à peine d’ouvrir ses grilles que déjà une quinzaine de personnes s’alignent devant le guichet d’accueil, enfermées chacune dans un cocon de silence anxieux. « Pourquoi je suis ici ? Parce que, si tu ne réponds pas à leurs convocations, ils te retirent le peu qu’ils te donnent, grommelle un quinquagénaire à voix basse. De toute façon, ils n’ont rien à proposer. À part peut-être un boulot de vendeur de caleçons à clous, qui sait. » L’allusion lui arrache un maigre sourire.
Il y a un mois, une mère isolée de 36 ans, éducatrice au chômage, a reçu un courrier du Jobcenter de Pankow l’invitant, sous peine de sanctions, à postuler pour un emploi d’agente commerciale dans un sex-shop. « J’en ai vu de toutes les couleurs avec mon Jobcenter, mais, là, c’est le pompon », a réagi l’intéressée sur Internet, avant d’annoncer son intention de porter plainte pour abus de pouvoir.
À l’extérieur, sur le parking de la barre de logements sociaux, la « cellule de soutien mobile » du centre des chômeurs de Berlin est déjà à pied d’œuvre. Sur une table pliante installée devant le minibus de l’équipe, Mme Nora Freitag, 30 ans, dispose une pile de brochures intitulées « Comment défendre mes droits face au Jobcenter. » « Cette initiative a été montée en 2007 par l’Église protestante. Il y a beaucoup de détresse, beaucoup d’impuissance, aussi, devant ce monstre bureaucratique que les chômeurs perçoivent non sans raison comme une menace. »
Une dame, la soixantaine bien sonnée, s’approche d’un pas hésitant. Elle paraît affreusement gênée de s’afficher devant des inconnus. Sa retraite inférieure à 500 euros par mois ne lui suffisant pas pour vivre, elle touche un complément versé par son Jobcenter. Comme elle peine toujours à joindre les deux bouts, elle exerce depuis peu un emploi précaire à temps partiel (« minijob ») de femme de ménage dans un centre de soins, qui lui assure un salaire net mensuel de 340 euros. « Rendez-vous compte, dit-elle (...)