Élu Président de la République, Emmanuel Macron a annoncé qu’il comptait user du système des ordonnances, dès cet été, pour accélérer la mise en œuvre des mesures qu’il souhaite voir adopter. Une réforme du code du travail notamment.
QU’EST-CE QU’UNE ORDONNANCE ET QUEL EN EST LE MODE DE FONCTIONNEMENT AU PLAN CONSTITUTIONNEL ?
Le concept de l’ordonnance existait déjà sous les IIIe et IVe République. Il s’agissait alors de décrets-lois.
L’article 38 de notre actuelle Constitution prévoit que le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
La mise en action du processus de l’ordonnance nécessite plusieurs protagonistes : le chef de l’État, le gouvernement et le Parlement (Assemblée nationale et Sénat).
Il s’agit pour le gouvernement d’utiliser le système de l’ordonnance pour contourner le rôle du Parlement, qui est de débattre et de légiférer.
C’est au gouvernement (et non au Président de la République) de demander au Parlement (à travers un projet de loi d’habilitation assorti de délais) de pouvoir prendre à sa place des mesures qui sont du domaine de la loi.
Ensuite, le Parlement adopte -ou pas- ce projet de loi d’habilitation. En cas d’adoption, intimement liée à la composition politique du Parlement et à la majorité que le gouvernement peut obtenir en faveur de son projet, le texte de l’ordonnance peut alors être adopté en conseil des ministres.
Puis, l’ordonnance est signée par le Président de la République et entre immédiatement en vigueur.
Enfin, le gouvernement doit en effet présenter au Parlement (en respectant les délais prévus par la loi d’habilitation) un projet de loi de ratification ou comportant une mesure de ratification de cette ordonnance.
Soit le Parlement vote le projet de ratification, et l’ordonnance acquiert alors valeur de loi (rétroactivement à la date à laquelle elle a été signée).
Soit l’ordonnance n’est pas ratifiée, elle ne garde alors qu’une valeur réglementaire.
Ces dernières années, les différents gouvernements français ont eu très souvent recours au système des ordonnances :
- Entre 1984 et 2004 (en 20 ans donc), 155 ordonnances ont été publiées.
- Entre 2004 et 2013 (deux fois moins de temps), ce nombre est passé à 357 !
En 2004, 58% des textes intervenus dans le domaine de la loi sont des ordonnances, contre 63,3% en 2009.
Depuis 2003, remarque le Sénat, le périmètre des ordonnances s’est singulièrement élargi et diversifié jusqu’à quasiment banaliser le système de l’ordonnance.
Textes actant une simplification du droit, déterminant le régime des entreprises individuelles, modifiant les règles du contentieux de l’urbanisme… Les thèmes des ordonnances peuvent être très divers.
En janvier dernier, les dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ont ainsi fait l’objet d’une ordonnance.
Si beaucoup d’ordonnances peuvent être consacrées à des domaines restreints, techniques et sans incidence importante sur la vie des citoyens, des salariés en particulier, d’autres relèvent d’une nature plus sérieuse.
L’histoire contemporaine compte ainsi des ordonnances restées célèbres. Parfois en bien. Parfois tristement.
Ainsi la création de la sécurité sociale obligatoire -inspirée du programme du conseil national de la résistance- a été créée par ordonnances en 1945. En 1996 le gouvernement de M. Juppé a décidé de l’attaquer en la réformant, par ordonnances.
En 1982, c’est par l’ordonnance du 26 mars qu’est instituée la retraite à taux plein après 37.5 années de cotisations. C’est par ordonnances aussi, au beau milieu du mois d’août 1993 que le gouvernement Balladur fait adopter une modification pour les salariés du secteur privé des éléments de calcul (40 annuités contre 37,5 ; calcul sur les 25 meilleures années et non plus les dix meilleures) pour prétendre à une retraite à taux plein.
INFO CONNEXE : Vidéo d'explication sur la loi travail de 2016 (durée 4 mn).